L’Ancienne église de Saint Pierre du Rau

 

Bulletin de la société de Borda 1883 p. LXIII à LXV

 

Mr Taillebois rend compte de deux excursions faites à Gamarde par une délégation de la société de Borda. La société ayant été informée par Mr Léonce de Behr que des fresques venaient d’être découvertes dans l’ancienne église de Gamarde (Landes), MM Dufourcet et Taillebois se rendirent dans cette localité le 21 juin, et furent reçus par Mr Léonce de Behr et Mr Destouesse, instituteur de Gamarde, qui leur firent visiter l’église. 

Cette église dont la destruction a été décidée, est placée sous le vocable de Saint Pierre ; elle date du 15ème siècle, et a été remaniée au 17ème ou au 18ème, et est greffée sur une église du 11ème siècle dont il reste encore quelques traces.

 

Les pierres de l’abside portent encore quelques marques de tacherons telles que : croix, flèches, A, V, T, etc. La partie intéressante est une chapelle entièrement peinte à fresque, mais dont les peintures ont été recouvertes de mortier. Mr de Behr et Mr Destouesse ont dégagé le panneau du fond de la chapelle sur lequel on retrouve le sujet classique de la « pesée aux âmes » parfaitement peint : Saint Michel tenant une balance dans les plateaux de laquelle sont deux âmes ; le démon dont la figure est très expressive, attire à lui avec un crochet l’un des plateaux ; des âmes sortant de leur sépulcre, deux anges et un second démon complètent le tableau ; au dessus on aperçoit le Père Eternel qui préside au jugement. Tous ces personnages sont bien dessinés et offre un tableau plein de vie – malheureusement cette fresque est fort abîmée.

 

Quelques essais de grattage sur d’autres parties du mur ont permis de s’assurer que tous les murs et même la voûte étaient ornés de fresques.

 

Cette chapelle est celle de l’ancien château du Rau. On y remarque encore encastrée dans le mur intérieur un tombeau du 15ème siècle qui a été surmonté d’un gisant et qui d’après la tradition fut le tombeau de la famille du Rau. Une ancienne porte de la chapelle, actuellement bouchée par des matériaux de toutes sortes et même par des fûts de colonnes, communiquait autrefois avec l’ancien château qui n’existe plus.

 

Il fut convenu entre les visiteurs que les travaux seraient interrompus jusqu’à ce que MM Dufourcet et Taillebois eussent obtenu des renseignements sur la façon de procéder au dégagement des fresques sans les abîmer.

 

Mr Bernard (Bertrand), un des hommes les plus compétents pour la peinture à fresques, ayant bien voulu en allant d’Oloron à Luchon, s écarter de sa route et passer par Dax, une seconde promenade fut organisée pour le 3 juillet.

Dans l’après-midi, MM Bernard, de Chasteigner, Dufourcet et Taillebois, partirent pour Gamarde où les attendaient MM de Behr et Destouesse.

 

Cette seconde visite confirma pleinement l’impression produite par la première. Mr Bernard reconnut la fresque découverte comme étant très belle, et d’une exécution parfaite. Il la trouva même plus belle et mieux dessinée que celles de Cazaux-Larboust (Haute-Garonne) restaurées par lui l’année dernière. Malheureusement, son état de détérioration ne permet pas d’espérer la conserver ; on ne peut que la dessiner avant qu’elle soit détruite, et la reproduire dans le bulletin de la société. Quant aux autres fresques elle sont perdues, car non seulement les badigeonneurs en ont gratté une partie avant de poser le mortier, mais la mauvaise qualité de l’enduit rend actuellement la conservation du reste très difficile ; il faudrait beaucoup de temps, de soins et de patience pour gratter le mortier sans abîmer les fresques, et malheureusement on a voulu aller trop vite. Il est donc actuellement très difficile pour ne pas dire impossible, de conserver ce qui reste de ces fresques et des inscriptions explicatives dont elle étaient accompagnées.

 

 

 

En sortant de l’église, les excursionnistes visitèrent le château du Rau, qui est à peu de distance, et où ils furent reçus de la façon la plus gracieuse par M. Defos du Rau (Henri). Ce Château du 16ème siècle n’offre plus d’intéressant à voir qu’une tourelle enfermant un escalier et une inscription sur marbre noir qui a été estampée par M. Taillebois. Cette inscription est encastrée dans les murs du château et paraît dater du 16ème siècle. Elle a du servir autrefois de fronton à l’une des portes comme l’indique la forme des motifs d’ornementation.

 

FRANCISCUS

DU.HAA.MARGV

ARITAE.DOMASA

NEAE.H.G.P.Q.R.

 

Plaque de 48 cm de long sur 30 cm de hauteur, ornements compris. Lettres égales de 3 cm. Les mots sont séparés par des points ornés de crochets ; ornements aux quatre coins de l’inscription et volutes aux deux bouts, formant retour sur les cotés.

Il paraît qu’un des anciens propriétaire du château, François du Haa, aurait épousé une demoiselle de Domasane. C’est sans doute à cet événement que fait allusion l’inscription, quoiqu’on ait pas pu traduire les cinq dernières lettres.

(Explication : Hommage rendu à celle qui donna le Rau aux Du Haa en raison de l’alliance de Bernard du Haa et de Marguerite de Poyanne, nièce de Marguerite de Domasan, et qui eurent pour fils Gaston et François du Haa. HGPQR est interprété par « Honorem Gratiam Pietatem Que Redit » : François du Haa rend hommage grâce et piété (filiale) à Marguerite de Domasain)

 

 

Semaine Religieuse 2 mai 1897 p.312

 

Dans l’ancienne église paroissiale de Saint Pierre du Rau, détruite en 1884, on voyait au collatéral de l’évangile une chapelle voûtée « avec un titrage des armes de la maison du Rau » et dans cette chapelle un autel dédié à Notre Dame de la Pitié. Les seigneurs du Rau qui l’entretenaient de temps immémorial y possédaient un banc (seigneurial) et un monument de pierre de taille bien relevé, avec les armoiries seigneuriales. Ces mêmes armoiries qui se retrouvaient à la voûte de la chapelle étaient peintes aussi sur le calice d’argent doré et sur la chape.

Aujourd’hui tout a disparu et il n’en reste plus trace que dans les compte-rendus de la société de Borda vers l’année 1885.

 

 

Privilèges de la maison du Rau

 

Dans un fameux procès entre noble Bertrand du Haa, seigneur du Rau et noble Dominger d’Antin de St Pée, sur la question de préséance et de droits honorifiques en l’église de Gamarde, procès jugé à Bordeaux le 30 août 1611, le sieur du Rau prétendit avoir droit d’aller à l’offerte le premier après le baron de Gamarde, affirmant que le 3ème rang appartenait au sieur de l’Abadie, et le 4ème seulement au sieur de St Pée. Bertrand faisait ainsi valoir ses titres de noblesse, sa qualité de patron de l’église de Gamarde, attendu que cette église avait toujours été appelée « St Pierre du Rau » ce qui indiquait qu’elle était dépendante de la maison du Rau. Le cimetière de l’église, ajoutait-il, était joint au jardin et à la vigne de la maison du Rau, et dans cette vigne, il y avait un portail pour permettre au seigneur du Rau d’aller à l’église ; il y avait aussi dans l’église plusieurs marques du patronage des seigneurs du Rau, et entre autre près du grand autel, une belle chapelle (sans qu’il y en ait jamais eu d’autre dans la dite église) ; et dans la dite chapelle un monument de pierre de taille, bien relevé, avec les armoiries des seigneurs du Rau ; ces mêmes armoiries se retrouvaient à la voûte de la chapelle, sur le calice d’argent doré, et sur la chape du curé, etc., etc.

Le seigneur du Rau gagna son procès. Aujourd’hui on a découvert récemment les fresques de l’ancienne chapelle du Rau (cf Bulletin de la société de Borda 1883 p. LXIX).

 

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